C'est
ce matin, devant la porte. J'ai évité de regarder quelque chose
je m'étonne encore que ma main soit tombée : deux oiseaux morts, pareils.
Une saison s'étire : mots, coupes, grappes. Je suis contente. Au retour,
sur la route, je regardais l'espace rouge rose à se mettre la nuit dessous.
Du semblant d'écriture cette accumulation d'air. Les moissons
soleil. Mais questionne-moi, peut-être.
Oublie
cette histoire, blanche comme une vieille langueur, histoire d'un jour
triste, d'une attente dévidée dans une grande vibration d'air. Je ne
peux pas m'endormir pour moi-même. Je me plais à lutter, toujours déchirée,
avec une machine trop droite qui tire par la tête. Hier soir, en vrac,
je pleurais d'avoir vu des coupures sur ta poitrine comme des traces
de compassion. Je me souviens de ces grandes éraflures. Ils ont cru
jusqu'au bout au déroulement d'une ponctuation.
Un
enfant sa tête est tournée comme une offrande magnifique. Tes
mains d'amant aux ongles d'amande. Percée du dedans à chercher les détails
de ton visage, je l'ai placée, une graine, ma mémoire, sur le sol.
Je
vois tes doigts pour la dernière fois.
Ce
grand ciel de lit, je regarde ton corps obvie reposé dessous. Éros dort.
Paupières nacrées ouvertes ou fermées. J'attendrai que ce qui arrive
n'arrive pas. Je regarderai l'hiver couler comme un bateau lourd. Tu
vas dormir encore. Son corps dort celui d'une peinture.
Je
veux tellement me tendre sur l'envers du présent, que je n'aime plus
l'innocence du matin. T'écrire. Poursuivre de mon courrier l'étirement
du temps - essayer encore.
C'est
une nuit impossible à dormir pour les vivants, une suite logique de
grillons, un jeu de lune dans du bleu noir, des grands couples aux corps
de sable étirés sur elle, avec des lumières, au loin, des petites vacillantes
en lévitation, et l'abandon des mots sur les lèvres. C'est parfaitement
l'attente.
Je
vois tes mains, tes doigts fleurs en condensation, à peine pliées tes
jambes, un bras, avec du sommeil, peau posée au fond de ton repos, ce
corps aux pieds légers. À toujours t'imaginer, bientôt je n'aurai plus
de lieux où tu es.
J'ai
chassé tout un jour avec des certitudes de l'éveil comme jamais. Je
ne les reverrai pas. Je suis pleine de noir, et je pars poser mes yeux
aux portes lumineuses peut-être. Enterrer alors cette chaleur. Avec
elle, les nuages, la voie lactée lactée du lait des étoiles
la lune, la lune en ce moment, les mésanges de passage, le givre opaque.
Que
fais-tu ? Jouons encore, à rien, au diable, aux osselets. Le jeu est
grave toujours. Le jeu est tout venant. Tu serais, tu serais celui qui
étend mes mots comme sur un lit les défroisse les lie en extension subite.
Il y aurait un autre rythme, une rupture de temps, une respiration immobile
comme un sourire gourd dans un journal.
Dis-moi
quelque chose. Je prends doute, jamais assez traversée de part en part,
penser à deux mains avec la tête entre, couronnée de vertige. C'est
la conscience aiguë de quitter nos recoins, un effet d'altitude qui
s'absorbe. Aujourd’hui j’ai perdu pied infiniment.
Je
suis désolée de cet inachèvement à payer tous les jours comme une familiarité
sans effets. Pourtant, j’ai envie de rire, d’être furieuse, de traverser
les rêves comme on désire un taureau, j’ai envie de ça. Le soir, je
reste des heures à tenter d’écrire sur une toute petite fille. Elle
n’a pas de nom : elle joue du violon dans la campagne.